Hubert Védrine - Continuer l'Histoire
Date de la note : 2 avril 2007
Ce bref essai de politique
internationale frappe par son ton calme, emprunt de réalisme, pour
nous rappeler que les faits ont la tête dure. Mais il dit aussi que les
Français
ne sont pas désarmés dans
le grand jeu mondial, en dépit de leur pessimisme actuel.
HV rappelle tout d'abord le vertige qui a saisi l'Occident en 1990. Le monde
entier allait vers la sérénité de la "fin de l'Histoire".
Cette dernière n'a
pas tardé à rappeler qu'elle vivait encore et que des forces
nouvelles la mettaient en mouvement : septembre 2001, engagement débridé des
Américains
au Moyen-Orient, affrontements intercommunautaires, échec européen,
dérive
de la bulle financière, montée des inquiétudes écologiques,
etc. Le monde qui vient fait peur aux vieilles nations qui perdent leur influence
et surtout
leurs repères.
Ce nouveau monde multipolaire qui nous environne nous a donc, nous occidentaux,
en partie privés de notre pouvoir de faire l'histoire. De plus, en dépit
de son efficacité économique libérale,
il ne prend pas bien en charge les effets et les coûts des conséquences
de ses actes dans les domaines sociaux et environnementaux en particulier.
Une régulation est nécessaire et
des organes internationaux tentent de l'établir, mais sous le contrôle évanescent
d'états qui ont peu à peu cédé une part croissante
de leur pouvoir pour rendre cette régulation possible. Paradoxe. L'illusion
la plus pernicieuse devient, aux yeux d'HV, celle d'un supranationalisme rampant,
privant les État de
leur capacité à donner le la. C'est donc une mise au clair du
rôle
des états que
souhaite HV face aux institutions supranationales, états qui seuls ont la légitimité suffisante
pour prendre, si et quand nécessaire, les décisions importantes.
Alors l'Europe ? HV pense qu'elle a tout son sens, malgré ce qui a été dit
plus haut, et qu'elle est attendue des peuples européens. Encore faut-il
mettre un terme à un élargissement infondé et surtout
de transformer l'U.E. en instance supranationale. Ses activités administratives
et de régulation sont jugées
excessives en l'état actuel de
son contour encore si flou.
Et la place de l'Europe dans le monde ? Il faut en débattre
de façon urgente. Car la cacophonie récente des voix européennes
est synonyme d'impuissance. L'idée majeure d'HV est en gros de promouvoir
des projets concrets, de les réussir et, dit autrement, de donner à nouveau
un désir d'Europe. Les
institutions suivront.
Et la France ? Elle se fait assez mal à l'idée qu'après
avoir projeté ses valeurs
sur le monde, c'est aujourd'hui lui qui projette les siennes sur elle par les
effets de la mondialisation. Sans oublier que l'Europe n'a pas été le relai
d'influence espéré. Mais nos atouts restent importants, si nous savons nous
ressaisir. Car, ne pas le
faire,
serait
accepter
une certaine
servitude
que nous ne tolérerions pas. Encore faut-il cesser de se complaire dans
un ressassement de notre passé et prendre notre sort activement en mains.
HV rappelle d'ailleurs à ce sujet qu'une politique étrangère
a d'abord pour but la défense
de nos intérêts vitaux, de notre autonomie de décision
et de notre influence. On peut vouloir plus ; mais il faut d'abord vouloir
cela.
Un livre utile dont on aimerait souvent approfondir les pistes.
Editions Fayard (2007) - 150 pages